J'y suis!

Après presque de 72h de voyage et une petite excursion en malaisie, j'arrive à l'autre bout de la planète: Auckland, la ville des voiliers.
Viv Dostine, la présidente de NZ Horse Recreation Inc, m'accueille avec la plus extrême gentillesse. Elle me présente a ses chevaux, les premiers chevaux kiwis que je rencontre! Deux purs sang réformés des courses dont un qu'elle a rééduqué elle-même. La complicité et la confiance mutuelle qui se dégage d'eux font plaisir a voir. Par exemple, pour monter dans le van, c'est facile: un index pointé vers le fond et hop, messieurs grimpent à l'intérieur et se mettent en place, sans même qu'il y ait besoin de les attacher ou d'utiliser une "barre de fesses". Une des astuces de Viv: masser et gratouiller. Elle sait s'y prendre, ils en redemandent et seraient prêts a tout pour ça!
Plutôt chouette, mais c'est pour partir en ballade que Viv emmène ses chevaux en camion, jusqu'à des chemins forestiers privés dont elle a la clef. Mais pourquoi donc? Tout simplement parce qu'il n'y a aucun chemin autour des prés de ses chevaux.  On m'avait prévenue que tout était clôturé, mais cette absence totale de chemin est pire que ce que j'imaginais. Elle me montre quelques routes "praticables" à cheval, ce n'est pas le périf mais presque.  Je m'accroche au fait que d'autres ont déjà traversé la Nouvelle Zélande à cheval, notamment Pete Langford tout récemment. Mais quand je le (ré-)interroge a ce sujet, il avoue que des camions sont parfois nécessaires. Gloups!
Quoi qu'il en soit, je vais à Hukatere Lodge, à 5h d'Auckland, dans le "Far North". Magie du voyage, je fais route avec Alain et Joséphine, des amis de mes parents que je n'avais jamais rencontré avant! Ils me font rire avec leurs histoires incroyables, et les paysages traversés, mélangeant campagne et forêt tropicale, sont plutôt chouettes. Mais je constate que même les régions les moins peuplées sont complètement barricadées.
Hukatere Lodge est un endroit surprenant, un concentré de style et de confort au milieu de nulle part: la fameuse plage de 90 miles.  A mon avis, sa notoriété vient du fait qu'elle est le premier obstacle a franchir pour les randonneurs qui traversent la Nouvelle Zélande du nord au sud (3000 kilomètres quand même). La plage s'étire, balayée par des vents forts, sans interruption sur plus d'une centaine de kilomètres.  Sauf par marée haute où elle disparait et où il faut négocier son itinéraire dans les dunes environnantes.  Grande distraction dans le coin: pêcher des tuatuas. Il faut attendre la marée basse et fouiller dans le sol.  On brave la tempête pour en ramasser mais on n'est pas déçus, on en trouve des kilos!
Joséphine et Alain repartent et je me concentre sur ce qui m'a amené ici: les chevaux. Il y en a une douzaine, dont trois petits poulains. Personne ne les a monté depuis un moment. Gabrielle, la maitresse des lieux, m'en a désigné un gros blanc qui ne paye pas de mine. Il ne se laisse pas approcher facilement, se montre un peu nerveux en main et encore plus monté. Je ne me vois pas continuer avec lui. Pendant ce temps, je rencontre tous les touristes de passage, néozélandais et zeuropéens, et je donne un coup de main à Gabrielle, qui en échange me loge. Je pars maintenant pour rencontrer des "gens de cheval" qui m'aideront peut-être à définir un itinéraire réaliste et à trouver les bons chevaux. En tous cas je verrai du pays!

Retour à la case départ

Gabrielle me dépose à Main Street Lodge, en plein centre de la petite ville de Kaitaia.  Je découvre seulement maintenant la communauté locale des routards. Profil type: allemand, à peine la vingtaine, avec en poche de quoi tenir deux semaines et acheter une voiture de 25 ans d'âge (en général, auprès d'un concitoyen pour qui il est l'heure de rentrer au pays), et par voie de conséquence cherche un job (planteur de patate, babysiteur, serveur, n'importe mais vite!).

Au moment où je me renseigne sur les bus pour Auckland (à quatre heures de route), le seul de la journée vient de passer. Heureusement, je rencontre deux nanas qui s'y rendent, mais vont d'abord à Cape Reinga (à une heure de route dans la direction opposée). Qu'à cela ne tienne, j'y vais aussi! C'est la pointe nord de l'île, où se rencontrent mer de Tasmanie et océan Pacifique. C'est aussi le départ (ou l'arrivée) de Te Araroa, la rando de 3000km qui traverse le pays. On voit son tracé à perte de vue, par contre, aucun signe de vie à l'horizon. J'admire les inoffensifs barjots qui se lancent sans hésitation vers ce néant.

Près d'Auckland, plus précisément à Pukekohe, se trouve le père de l'amie d'une ancienne collègue: un certain Dan qui fait de l'attelage avec ses magnifiques chevaux Clydesdales. Je l'avais rencontré brièvement lors de mon premier passage a Auckland, et il m'avait pas mal impressionnée, à gérer tout seul à 70 ans bien tassés ses trois gigantesques chevaux et tout ce qui va avec: camion de transport, calèche, remorque pour la calèche, harnachement et centaines de bambins qui se pressent pour faire un tour. Je passe quelques jours avec lui, on bichonne ses chevaux et j'apprends au milieu de phrases ponctuées de "bloody" et de "hell" qu'ils ont tourné dans un paquet de films (www.townandcountryclydesdales.co.nz). Il me fait visiter le coin, d'abord le côté touristique jusqu'à l'embouchure de la rivière Waikato, puis le côté "industriel" où pullulent d'énormes complexes d'élevage ou d'entrainement de chevaux de courses. C'est vraiment une industrie: Dan me montre par exemple un marchoir, semblable a un manège de poneys de foire, qui permet de faire marcher automatiquement une quinzaine de chevaux à la fois.

Prochaine destination: Hamilton pour le salon du cheval!

L'appel de l'aventure

Pour profiter à fond d'Equidays, le salon du cheval, je prends le pack trois jours + camping. Je monte ma tente pour la première fois depuis la douane (qui ne rigole pas avec l'import illicite de terre qui pourrait menacer la biodiversité insulaire), contente qu'elle serve à autre chose qu'à décorer mon sac. J'ai le plaisir de retrouver Viv, et d'assister à d'innombrables démo, shows, compétitions, séminaires.  A défaut de monter à cheval, j'essaie le rodéo mécanique (29 secondes au total en deux sessions)

Mais le clou est de rencontrer un certain Gerard, répondant aussi au nom de Yacov, kiwi d'adoption, hollandais d'origine, la soixantaine, qui a l'habitude de voyager en roulotte et cherche des partenaires pour repartir dès que possible! Il ne voit aucun problème au fait de me trouver un cheval pour que je l'accompagne. Il me montre des photos de sa roulotte (faite maison) en action avec trois chevaux attelés, ça se voit, c'est du sérieux! Avec une roulotte, il est beaucoup plus facile de voyager sur les routes, et rien n'empêche de dételer pour explorer les petits chemins alentours quand il y en a! Être à deux (voir plus, j'attends mon homme et puis on recrute des aventuriers) offre un plus grand confort et une plus grande sécurité. Bref... Je sautille de joie! On se donne rendez-vous dans deux semaines pour se préparer et partir le plus vite possible.

Pour boucler mon séjour à Hamilton en beauté, je rencontre Jacqui, la fille de Dan (l'amie de ma collègue pour ceux qui ont suivis), et toute sa petite famille qui m'accueillent comme si j'étais des leurs, ça à beau être la troisième fois que ça m'arrive dans ce pays je n'en reviens toujours pas.

Deux semaines bien remplies

Je retrouve Joséphine et Alain, qui terminent leurs vacances à Auckland. On va jusqu'au Mont Eden, un ancien volcan (pas très loin de l'Eden Park pour les connaisseurs). La vue sur Auckland vaut le coup avec ses criques bleues turquoises et ses îles volcaniques toutes vertes. La ville a un charme unique, avec sa végétation exubérante, ses maisons victoriennes, son calme et sa modernité. Je fais l'excursion phare d'Auckland: la visite de l'ile volcanique Rangitoto. C'est l'occasion de traverser à quatre pattes des grottes formées par des coulées de lave, mais surtout de s'en (re)mettre plein les yeux: rochers noirs, sable blanc, eau cristaline et vue imprenable sur Auckland.

Le soir à l'auberge de jeunesse, l'ambiance est à la collocation, car la plupart des résidents restent quelques mois.  On trouve un peu de toutes les nationalités et même des locaux, dont un maori au visage tatoué qui ne peut laisser indifférent. Majoritairement, c'est la France qui l'emporte. Coté cuisine, c'est l'Italie!

Le week-end, j'accompagne Dan et ses trois chevaux dans les villages où il fait faire des tours de calèche aux touristes, contente de passer du temps avec un pro de l'attelage avant de me lancer sur les routes en roulotte.  En plus, il est vraiment sympa!

Comme j'ai encore tout un programme de choses à faire dans le nord et que je risque de ne pas y retourner, je loue une voiture pour quelques jours. Une fois la conduite à gauche et les boites automatiques démystifiées, je me rends chez Jeannie. Tout ce que je sais d'elle, c'est qu'elle a une ferme, des chevaux, organise des randonnées a cheval, prends des "woofers" de temps en temps et que je peux aller chez elle quelques jours. A peine arrivée, hop, elle m'emmène en ballade a cheval (elle a gardé la jument d'une amie sous le coude à mon intention). Je découvre ce que veux dire "aller dans le bush" (en tous cas je m'en fais une idée): quand il n'y a pas de chemin, seulement une végétation inextricable et un sol inégal jonché de branches, Jeannie pousse son cheval en avant comme un bulldozer. Je n'y croirai pas si je ne l'avais pas vu de mes yeux, mais les chevaux en sont ressortis sans une égratignure, et pas plus émus que ça. On fera une autre ballade à travers champs (bonjour moutons, vaches), jusqu'à un superbe lac, en passant par la plage. Que demander de plus?  On ne m'avait pas menti en me disant que les gens sont incroyablement accueillants dans ce pays. Jeannie m'emmène aussi voir des kauris, arbre emblématique de la Nouvelle Zélande: Te Matua Ngahere, celui qui a le plus gros tour de ceinture (plus de 16 mètres), et Tane Mahuta, le plus grand. Ils ont peut être 2000 ans, on dirait des falaises vivantes. Je suis surprise par l'énorme dispositif mis en place pour protéger la forêt: désinfection des semelles avant d'y pénétrer, chemins surélevés dont il est interdit de sortir pour ne pas piétiner de racine... L'homme a été le premier mammifère introduit sur l'ile et il a eu le malheur d'ouvrir la porte a de nombreux autres nuisibles, il n'a qu'à bien se tenir!

Enfin, comme par hasard, je suis amenée devant le mât du Rainbow Warrior. L'histoire (que Google vous racontera mieux que moi) est triste pour nos deux pays, mais ce mât planté en haut d'une coline surplombant les lumières de Dargaville est une sacré curiosité.  Pendant le peu de temps que ces activités de loisir nous laissent, je l'aide un peu à traire ses vaches. Qu'on les rabatte a pied ou en quad, c'est bien amusant. Et puis il y a les bébés cochons et les veaux à nourrir, quelle corvée de s'occuper de bébés animaux!  

Étape suivante: rencontrer Pete Langford, qui a traversé toute la Nouvelle Zélande l'an dernier avec deux chevaux. Comme plusieurs personnes m'ont recommandé d'aller dans l'ile du sud pour la rando et que je pressens que suivre la roulotte ne me comblera pas complètement, je lui explique que j'envisage d'aller dans l'ile du sud après mon expérience "roulotte" dans l'ile du nord. Il me demande de combien de temps je disposerai, sachant que le climat dans cette île devient rude en avril. Bilan: deux mois grand maximum, en comptant un mois de préparation, ce qui n'est pas énorme en partant de rien. J'ai l'impression que la transition me prendra beaucoup de temps, d'argent et... D'ardeur! Il me faudra une grande motivation pour repartir de zéro, avec de nouveaux chevaux. La lumière se fait: je n'ai qu'à aller en roulotte jusqu'à l'ile du sud et traverser avec mon cheval pour continuer le voyage. Pete me confirme que le trajet est sympa et me suggère de viser comme destination finale ce qu'il a trouvé le plus beau de tout son voyage: Dampier Ridge. Ça fait un peu peur tel qu'il en parle, car il s'est orienté en montagne en se fondant uniquement sur les courbes de niveau de sa carte au 1:250000 (alors qu'en général je trouve ça compliqué de seulement suivre les chemins sur une 1:50000), mais du temps que j'arrive là-bas je me serai aguerrie.

Bref, mon plan se dessine: partir de whakatane où sont les chevaux, aller jusqu'à la pointe Nord Est, en terre Maori, puis suivre la côte Est jusqu'à Hamilton, traverser en ferry et finir en beauté sur l'ile du sud. Y'a plus qu'à! Ou pas, car ce genre de projet n'est vraiment ficelé que lorsqu'il est fini...

J'en oublierai presque de raconter mes aventures purement touristiques dans le nord. Je retrouve Julie, une française rencontrée a Auckland, pour une virée à Bay of Island. En chemin, on explore une rivière souterraine, éclairées par des vers luisants (légèrement soutenus dans leur efforts par ma frontale Petzl). On blêmit un peu quand on voit que le GPS nous emmène droit vers l'eau, mais ça se goupille bien, un ferry arrive à point nommé pour nous faire traverser le bras de mer. C'est le premier des six bateaux qu'on prendra de la journée: le voilier sur lequel on embarque pour aller voir des dauphins (ça c'est fait!), le zodiac qui nous débarque pour une promenade sur une île, le youyou et le bateau à moteur d'un couple de néozélandais qui nous ont prises en stop pour nous ramener au voilier car on s'était retrouvées de l'autre côté de l'île... Et enfin le ferry emprunté pour aller jeter un coup d'œil à Russel, ville historique car première colonisée par les européens. Le type aux commandes a été assez sympa pour nous laisser le conduire! Et oui ça se passe comme ça à Bay of Island.